La fontaine de la place de Bonneville - Claudine et ce mélancolique de JF
Marguerite assistait à toutes les premières représentations
et passait toutes ses soirées au spectacle ou au bal.
Chaque fois que l'on jouait une pièce nouvelle,
on était sûr de l'y voir,
avec trois choses qui ne la quittaient jamais,
et qui occupaient toujours le devant de sa loge au rez-de-chaussée :
sa lorgnette, un sac de bonbons et un bouquet de camélias.
Pendant vingt-cinq jours du mois, les camélias étaient blancs,
et pendant cinq ils étaient rouges ;
on n'a jamais su la raison de cette variété de couleurs,
que je signale sans pouvoir l'expliquer,
et que les habitués des théâtres où elle allait le plus fréquemment
et ses amis avaient remarquée comme moi.
On n'a jamais vu à Marguerite d'autres fleurs que des camélias.
Aussi chez madame Barjon, sa fleuriste, avait-on fini par la surnommer
la Dame aux Camélias, et ce surnom lui était resté.
: Alexandre Dumas Fils
: La Dame aux Camélias
Dans le jardin à Bois-Verna - 1906
: : Toussaint Louverture « le premier des noirs » (1743-1803)
il se rallie en 1791 à l’insurrection des esclaves déclenchée à la suite
de la cérémonie vaudou de Bois-Caïman dans la nuit du 14 au 15 août.
Le 4 février 1794, l’assemblée de la Convention vote le décret d’abolition de l’esclavage.
Il va ensuite combattre les espagnols puis les britanniques au côté des français.
Il s’auto-proclame gouverneur à vie de Saint-Domingue en 1801, mais est ensuite
battu et fait prisonnier par l’armée envoyée par Napoléon Bonaparte.
Il est emprisonné sans jugement au fort de Joux dans le Doubs.
Au bout de quelques mois, il tombe malade et meurt, le 7 avril 1803.
: : Dessalines et Pétion lors du serment dit « serment des ancêtres »
: : Jacques Dessalines (1758-1806). Après avoir été le compagnon de lutte de
Toussaint Louverture, il mène l’armée "indigène" à la victoire contre
l'armée française et proclame l’indépendance de la colonie
le 1er janvier 1804. Il lui redonne son nom d'Ayiti.
Couronné empereur en septembre, il meurt assassiné en 1806.
: : Alexandre Pétion (1770-1818). Envoyé par Napoléon contre Toussaint,
il se rallie à Dessalines en 1802. Il est ensuite élu président d’Haïti en 1807.
Gnou p'tit blanc vini rivé :
P'tit barb' roug', bell' figur' rose,
Montr' sous côté, bell' chivé...
— Malheur moin, li qui la cause !
Li trouvé Choucoun' joli,
Li parlé francé, Choucoun' aimé-li...
Pitôt blié ça, çé trop grand la peine.
Choucoun' quitté moin, dé pieds moin lan chaîne !
Ça qui pis trist' lan tout ça,
Ça qui va surprendr' tout' moune,
Cé pou ouè malgré temps-là,
Moin aimé toujours Choucoune !
— Li va fai' gnou p'tit quatr'on...
P'tits z'oézeaux gadé ! p'tit ventr' li bien rond !...
Pé !fémin bec z'autr'.,. cé trop grand la peine :
Dé pieds p'tit Pierr', dé pieds li lan chaîne.
: : Choucoune - Oswald Durand
: : Poète haïtien - 1884
Voilà qu'un petit blanc arrive :
Petite barbe rouge, belle figure rose,
Montre au côté, beaux cheveux...
— Mon malheur, c'est lui qui en est la cause !
Il trouve Choucoune jolie,
Il parle français... Choucoune l'aime...
Plutôt oublier cela, c'est une trop grande peine,
Choucoune me quitte, mes deux pieds sont dans les chaînes !
Le plus triste de tout cela,
Ce qui va surprendre tout le monde,
C'est de voir que, malgré ce contre-temps là, J'aime toujours Choucoune !
— Elle va faire un petit quarteron !,
Petits oiseaux, regardez ! Son petit ventre est bien rond !
Taisez-vous ! Fermez vos becs ! C'est une trop grande peine :
Les deux pieds de petit Pierre, ses deux pieds sont dans les chaînes.
Portrait d'une dame avec son esclave noire - 1783
par Vicente Albàn
Bonneville et Haïti - Portraits de famille
Trois mille six cents fois par heure, la Seconde
Chuchote : Souviens-toi ! - Rapide, avec sa voix
D'insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,
Et j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !
: L'horloge
: Charles Baudelaire
Et presque tout de suite je la reconnus, c’était Venise,
dont mes efforts pour la décrire et les prétendus instantanés
pris par ma mémoire ne m’avaient jamais rien dit
et que la sensation que j’avais ressentie jadis
sur deux dalles inégales du baptistère de Saint-Marc
m’avait rendue avec toutes les autres sensations jointes ce jour-là
à cette sensation-là, et qui étaient restées dans l’attente,
à leur rang, d’où un brusque hasard les avait impérieusement fait sortir,
dans la série des jours oubliés.
De même le goût de la petite madeleine m’avait rappelé Combray.
Mais pourquoi les images de Combray et de Venise m’avaient-elles
à l’un et à l’autre moment donné une joie pareille
à une certitude et suffisante sans autres preuves
à me rendre la mort indifférente ?
: Le temps retrouvé
: Marcel Proust
Alcibiades, louant son precepteur Socrates, sans controverse prince
des philosophes, entre aultres parolles le dict estre semblable es Silenes.
Silenes estoient jadis petites boites, telles que voyons de present
es bouticques des apothecaires, pinctes au dessus de figures joyeuses et frivoles,
comme de harpies, satyres, oysons bridez, lievres cornuz, canes bastées,
boucqs volans, cerfz limonniers et aultres telles pinctures contrefaictes
à plaisir pour exciter le monde à rire ;
mais au dedans l'on reservoit les fines drogues comme baulme, ambre gris,
amomon , musc, zivette, pierreries et aultres choses precieuses.
Tel disoit estre Socrates, parce que, le voyans au dehors et l'estimans
par l'exteriore apparence, n'en eussiez donné un coupeau d'oignon,
tant laid il estoit de corps et ridicule en son maintien,
le nez pointu, le reguard d'un taureau, le visaige d'un fol,
simple en meurs, rustiq en vestimens, pauvre de fortune, infortuné en femmes,
inepte à tous offices de la republique, tousjours riant, toujours beuvant
d'autant à un chascun, tousjours se guabelant, tousjours dissimulant
son divin sçavoir; mais, ouvrans ceste boyte, eussiez au dedans
trouvé une celeste et impreciable drogue :
entendement plus que humain, vertus merveilleuse, couraige invincible,
sobresse non pareille, contentement certain, asseurance parfaicte, deprisement
incroyable de tout ce pourquoy les humains tant veiglent,
courent, travaillent, navigent et bataillent.
: Prologue de Gargantua - 1534
: François Rabelais
Hermione et Héloïse - Mars 2025
En Normandie avec Candice et Daphnée - 2010
: Beth : Les nuits de pleine lune,
cette lettre me donne le pouvoir sur les hommes
dont la marque est Ghimel, mais elle me subordonne
à ceux d'Aleph, qui les nuits sans lune
doivent obéissance à ceux de Ghimel.
Au crépuscule de l'aube, dans une cave,
j’ai égorgé des taureaux sacrés devant une pierre noire.
Toute une année de lune durant, j'ai été déclaré invisible :
je criais et on ne me répondait pas,
je volais le pain et je n’étais pas décapité.
J'ai connu ce qu'ignorent les Grecs : l’incertitude.
(...)
Je dois cette diversité presque atroce à une institution
que d'autres républiques ignorent ou qui n'opère
chez elles que de façon imparfaite et obscure :
la loterie.
Je n’en ai pas scruté l’histoire :
il ne m'échappe pas que les magiciens restent là-dessus divisés.
(...)
J’appartiens à un pays vertigineux où la loterie
est une part essentielle du réel;
: : : La loterie à Babylone
: : : Jorge Luis Borges
Pascal et son tracteur à Sainte-Colombe - Mars 2012
Pascal et Isabelle avec leurs ânes - Février 2025
Claudine devant notre maison de Malbert dans le Cantal - 1979
puis à Sainte-Colombe - 1999
Claudine - Dessin par Claude Migeon
Puis à Bonneville devant le pont sur l'Arve.
J'ai traversé Les Ponts-de-Cé
C'est là que tout a commencé
Une chanson des temps passés
Parle d'un chevalier blessé,
D'une rose sur la chaussée
Et d'un corsage délacé,
Du château d'un duc insensé
Et des cygnes dans les fossés,
De la prairie où vient danser
Une éternelle fiancée,
Et, j'ai bu comme un lait glacé
Le long lai des gloires faussées.
La Loire emporte mes pensées
Avec les voitures versées,
Et les armes désamorcées,
Et les larmes mal effacées,
Oh ! ma France ! ô ma délaissée !
J'ai traversé Les Ponts-de-Cé.
: : Louis Aragon
: : les Yeux d'Elsa - 1942
Charles Cheriez et son régiment - 1914
Le cinquième en partant de la gauche
Félix - 1915
C'est la guerre entre Guelfes et Gibelins
Le grand moment était venu.
Le barrage roulant s’approchait des premières tranchées.
Nous nous mîmes en marche…
Ma main droite étreignait la crosse de mon pistolet
et la main gauche une badine de bambou.
Je portais encore, bien que j’eusse très chaud,
ma longue capote et, comme le prescrivait
le règlement, des gants.
Quand nous avançâmes, une fureur guerrière
s’empara de nous, comme si, de très loin,
se déversait en nous la force de l’assaut.
Elle arrivait avec tant de vigueur qu’un sentiment
de bonheur, de sérénité me saisit.
L’immense volonté de destruction
qui pesait sur ce champ de mort
se concentrait dans les cerveaux,
les plongeant dans une brume rouge.
Sanglotant, balbutiant, nous nous lancions
des phrases sans suite, et un spectateur
non prévenu aurait peut-être imaginé
que nous succombions sous l’excès de bonheur.
: : Ernst Jünger
: : Orages d’acier
Notre-Dame par Claude Pelletier - Pastel sur carton, 1956
Notre-Dame de Paris par Jules Pinasseau - Aquarelle, 1919
Modelisation 3d des charpentes pour le chœur
Jerome Bosch
Les Tentations de Saint-Antoine (détail)
1502
Musée National de l'Art Ancien - Lisbonne
Comme, pour son bonsoir, d’une plus riche teinte,
Le jour qui fuit revêt la cathédrale sainte,
Ébauchée à grands traits à l’horizon de feu ;
Et les jumelles tours, ces cantiques de pierre,
Semblent les deux grands bras que la ville en prière,
Avant de s’endormir, élève vers son Dieu.
: Théophile Gautier
: Notre-Dame - La comédie de la mort
: 1838
Anne, Claudine et Didier - 2008
Peinture de Didier Tavares
Didier Tavares - Beaux-Arts de Paris - 2008
Anne et Ulrich Schreiber - Juillet 2022
- Mais que tu as donc l’air bête aujourd’hui, ma fille !...
D’ailleurs tu es beaucoup plus jolie quand tu as l’air bête.
C’est dommage que cela t’arrive si rarement.
Tu pèches, comme moi, par excès d’expression.
J’ai toujours l’air, quand j’égare mon dé, d’avoir perdu un
parent bien-aimé...
Quand tu prends l’air bête, tu as les yeux plus grands,
la bouche entrouverte, et tu rajeunis...
À quoi penses-tu ?
- A rien maman...
- Je ne te crois pas, mais c’est bien imité.
Vraiment très bien, ma fille. Tu es un miracle
de gentillesse et de fadeur !
: : Sido - Colette
Claire et Anne - Polaroïd de 1982
Alice - 2014
Portrait en marbre de Lucilla. (148/150-182 ap. JC)
Rome, Musée "Centrale Montemartini".
Lucilla, fille de Marcus Aurelius et Faustina, est représentée
après son mariage avec Lucius Verus et la naissance de son premier fils,
quand elle obtint le titre de Augusta en 165 ou 166 ap. JC.
Voyez ces grandes oreilles !
Lentement notre chien se métamorphose en âne
et fait l'admiration de tous
Ma parole, mais cet âne est musicien !
Et tendez bien l'oreille, vous entendez ?
Je ne rêve pas, c'est du Schumâne
On rapporte même que certains ânes auraient été des as du contrepoint
et se seraient lancés dans la composition. Dans le foisonnement du ciel
des réincarnations, l'âme de Bach était peut-être celle d'un âne ?
Le Canada à Bonneville - 1953
Jean-Francis, Marie-Laure et Gérard - 1957
Les début de la construction de la maison du Canada - 1952
Alice, Candice, Daphnée, Hermione - 2015
Charlotte Landhaller - Dessins sur toiles - 1989
- Levez-vous, dit le professeur.
Il se leva ; sa casquette tomba. Toute la classe se mit à rire.
Il se baissa pour la reprendre.
Un voisin la fit tomber d’un coup de coude,
il la ramassa encore une fois.
- Débarrassez-vous donc de votre casque,
dit le professeur, qui était un homme d’esprit.
Il y eut un rire éclatant des écoliers qui décontenança
le pauvre garçon, si bien qu’il ne savait
s’il fallait garder sa casquette à la main,
la laisser par terre ou la mettre sur sa tête.
Il se rassit et la posa sur ses genoux.
Madame Bovary- Gustave Flaubert
Cours préparatoire à Bonneville - 1956
Madame Buflier, l'institutrice.
Discrètement, ce taiseux de JF est au fond à droite...
Le radiateur juste à côté est coupé sur la photo.
Devant, c'est Patrick Moreau, son père était décolteur.
Comme les pères de la moitiè de la classe.
Marie-Laure - Bonneville - 1956
Plein de futures décoltrices peut-être ?
Non, à l'époque on était décolteur, pas décoltrice.
Hermione - Chissey-en-Morvan - 2020
Anne - Jouy-en-Josas - 1989
Or, en ce même instant, juste à ce point de terre,
Le hasard amenait un chariot très lourd
Traîné par un vieux âne éclopé, maigre et sourd ;
Cet âne harassé, boiteux et lamentable,
Après un jour de marche approchait de l’étable ;
Il roulait la charrette et portait un panier,
Chaque pas qu’il faisait semblait l’avant-dernier ;
Cette bête marchait, battue, exténuée ;
Les coups l’enveloppaient ainsi qu’une nuée ;
Il avait dans ses yeux voilés d’une vapeur
Cette stupidité qui peut-être est stupeur ;
Et l’ornière était creuse, et si pleine de boue
Et d’un versant si dur, que chaque tour de roue
Était comme un lugubre et rauque arrachement ;
Et l’âne allait geignant et l’ânier blasphémant ;
La route descendait et poussait la bourrique ;
L’âne songeait, passif, sous le fouet, sous la trique,
Dans une profondeur où l’homme ne va pas.
Le baudet qui, rentrant le soir, surchargé, las,
Mourant, sentant saigner ses pauvres sabots plats,
Fait quelques pas de plus, s'écarte et se dérange
Pour ne pas écraser un crapaud dans la fange,
Cet âne abject, souillé, meurtri sous le bâton,
Est plus saint que Socrate et plus grand que Platon.
: Le crapaud
: Légende des Siècles, LIII, vers 90-107
: Victor Hugo
Bob - St-Louis-De-Gonzague - Port-au-Prince, Haïti - 1927 puis 1932
« À St-Louis-De-Gonzague, il n’y avait pas vraiment d’uniforme.
Mais pour aller à la messe, il fallait avoir un costume, une cravate
et une casquette du dimanche. Ma mère n’a jamais voulu que je mette
la cravate car elle trouvait que c’était ridicule dans un pays chaud
de mettre une cravate. Haïti est un pays tropical. »
Bob
Hermione - Lucenay-L'Évêque - 2022
Claudine - Clermont-Ferrand - 1971
Brueghel - L'école
Ici, l'âne semble être le premier de la classe.
Il lit sa partition avec application.
Je vous le disais, les ânes sont de bons musiciens.
Alors pourquoi une éternelle bétise leur colle-t'elle à la peau ?
Victor Hugo trouve à son âne un regard stupide, tout en lui
attribuant une "profondeur où l’homme ne va pas".
(tout de même !)
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