Claudine et Christiane, et JF et Mauricette, et c'était en 1957 et 1954.
Vous avez vu à gauche ce regard malicieux, et ces merveilleuses boucles blondes,
n’auraient-elles pas bouleversé Botticelli au point de lui glisser l’idée
d’une venus sortant d’un coquillage ?
Regardez bien ! Quelle élégance, quelle noblesse, après seulement
deux petites années d’une vie morvandelle des plus bucolique.
Aussi vrai que le nez trône au milieu du visage, ce petit ingénu de JF
ne pouvait pas ne pas chavirer dès le premier coup d'œil.
: : : Les vergers
Tous les jours à midi on rassasie les saints
Le soleil amoureux exerce sa violence
Des ruisseaux de mercure envahissent les mains
Et des oiseaux dorés meurent dans le silence.
Nous sommes tous ici pour pleurer et sourire
Nous sommes tous ici pour choisir nos prisons
Nous sommes tous ici pour tuer nos délires
Nous sommes tous ici pour mourir de raison.
J’aimais trop les vergers lorsque j’avais trois ans
Un jour il y a eu quelqu’un ou quelque chose
Un passant qui a dit quelques mots en passant
Un soldat enterré sous le buisson de roses.
Il ne faut pas pleurer disait l’araignée noire
Et elle consolait les enfants affligés
À l’heure où le soleil descendait pour nous boire
À l’heure où je te parle à l’heure des vergers.
: : : Brigitte Fontaine
Anne et Claire - 1985
Mes grands-parents mes parents et moi, Frida Kahlo, 1936
1957, Haute Savoie : la famille au complet.
Mais qui a pris la photo ?
Un retardateur sans doute :
Futé ce Bob, mais il n'a pas eu le temps
de s'assoir et de faire comme si !
Elles chanteront quand viendra la pluie, Hermione et Héloïse,
les demoiselles de Chissey - Septembre 2019
Yves Cheriez, disque d'aluminium, Detroit - 1929
J'ai pu reconnaitre dans l'ordre, Andrée (Deroo),
Alix, Yves et Charles - 1912
Les mêmes, mais dans le désordre,
vraisemblablement le même jour de 1912
La chasse au papillon, Berthe Morisot - 1874 - Musée d'Orsay
: : : Tous les ours naissent bruns, mais en vieillissant,
ils blanchissent, ils prennent des poils blancs, alors on ne sait pas pourquoi,
ils se dirigent vers l'arctique et on dit qu'ils sont à l'arctique de la mort : : :
: : : Alphonse Allais
« Pour renaître, chantait Gibreel Farishta en tombant des cieux,
il faut d'abord mourir. Ho, hi ! Avant de se poser sur le sein de la terre,
il faut d'abord voler. Tat-taa ! Takadoum ! Comment sourire à nouveau,
si l'on ne veut pas pleurer d'abord ? Comment remporter l'amour de celle qu'on aime,
monsieur, sans un soupir ? Si tu veux renaître, baba... »
Juste avant l'aube d'un matin d'hiver, celle du jour de l'an ou environ,
deux hommes réels, adultes et vivants tombaient d'une hauteur vertigineuse,
de huit mille huit cent quarante-huit mètres, vers la Manche, sans disposer
de parachutes ni d'ailes, dans un ciel clair.
« Je te le dis, tu vas mourir, je te le dis, je te le dis »,
et ainsi donc sous une lune d'albâtre, jusqu'à ce qu'un cri immense traverse la nuit,
« Va au diable avec tes chansons ! »,
les mots restèrent suspendus comme des cristaux dans la nuit glacée et blanche,
« dans les films, tu n'as fait que mimer des chanteurs en play-back, aussi
épargne-moi ce bruit d'enfer. »
Les versets sataniques - Salman Rushdie
Anne et Claire - 1979
Candice et Daphnée - 2009
puis Alice - 2023
: À mon petit maître M. Henri de Ségur
Mon petit Maître, vous avez été bon pour moi, mais vous avez
parlé avec mépris des ânes en général.
Pour mieux vous faire connaître ce que sont les ânes, j’écris
et je vous offre ces Mémoires. Vous verrez, mon cher petit Maître,
comment moi, pauvre âne, et mes amis ânes, ânons et ânesses,
nous avons été et nous sommes injustement traités par les hommes.
Vous verrez que nous avons beaucoup d’esprit et beaucoup
d’excellentes qualités ; vous verrez aussi combien j’ai été méchant
dans ma jeunesse, combien j’en ai été puni et malheureux, et
comme le repentir m’a changé et m’a rendu l’amitié de mes camarades
et de mes maîtres. Vous verrez enfin que lorsqu’on aura lu ce livre,
au lieu de dire : Bête comme un âne, ignorant comme un âne, têtu
comme un âne, on dira : De l’esprit comme un âne, savant comme un âne,
docile comme un âne, et que vous et vos parents vous serez fiers
de ces éloges.
Hi ! han ! mon bon Maître ; je vous souhaite de ne pas ressembler,
dans la première moitié de sa vie, à votre fidèle serviteur.
: Cadichon, Âne savant.
: Mémoires d’un âne par Mme la Comtesse de Ségur née Rostopchine
Rosa bonheur (1822-1899) - Tête d'âne - Huile sur toile, 35,7 x 25,5 cm
: Depuis près d'un demi-siècle, il se servait
de son esprit comme d'un coin pour élargir de son mieux
les interstices du mur qui de toute part nous confine.
Les failles grandissaient, ou plutôt le mur, semblait-il,
perdait de lui-même sa solidité sans pour autant cesser
d'être opaque, comme s'il s'agissait d'une muraille de fumée
au lieu d'une muraille de pierre.
Les objets cessaient de jouer leur rôle d’accessoires utiles.
Comme un matelas son crin, ils laissaient passer leur substance.
Une forêt remplissait la chambre.
: l'Œuvre au noir - Marguerite Yourcenar
: : : Dans les Coulisses de Lakmé
: : : Anne - Claudine - Claire
«
Oh! maîtresse,
C'est l'heure ou je te vois sourire,
L'heure bénie où je puis lire
dans le cœur toujours fermé de Lakmé !
»
Gertrude Cheriez-Éthéart - 1908
Oumou Sangaré, icône féministe, une des figures féminines
les plus respectées du continent africain,
par le peintre congolais JP Mika
On confirme que je suis folle. On commence à m'attacher.
Il paraît que je cherche à fuir. Ce n'est pas vrai. Je cherche juste à respirer.
Pourquoi m'empêche-t-on de respirer? de voir la lumière du soleil ?
Pourquoi me prive-t-on d'air ? Je ne suis pas folle. Si je ne mange pas, c'est
à cause de la boule que j'ai au fond de la gorge, de mon estomac si noué
qu'aucune goutte d'eau ne peut plus y accéder. Je ne suis pas folle.
Si j'entends des voix, ce n'est pas celle du djinn. C'est juste la voix de mon père.
La voix de mon époux et celle de mon oncle.
La voix de tous les hommes de ma famille.
Munyal, munyal ! Patience ! Ne les entendez-vous pas aussi ?
Je ne suis pas folle ! Si je me déshabille, c'est pour mieux inspirer tout
l'oxygène de la terre. C'est pour mieux humer le parfum des fleurs et mieux sentir
le souffle d'air frais sur ma peau nue. Trop d'étoffes m'ont déjà étouffée
de la tête aux pieds. Des pieds à la tête. Non, je ne suis pas folle.
Pourquoi m'empêchez-vous de respirer ? Pourquoi m'empêchez-vous de vivre ?
Les impatientes - Djaïli Amadou Amal
Bob et Charles - Sous les arcades, place de Bonneville - 1953
Roger, Yves, Alix, Charles et Andrée - 1910
Comment raconter la fin d'une histoire sans la clore,
si ce n'est en y laissant des silences, comme en musique :
une respiration entre deux notes, la promesse d'une suite.
Ils n'ont pas disparu, ils sont là, les absents.
Ils persistent et la trace que laisse leur absence est une question.
Que faire d'une seule nuit, il faudrait des années pour y répondre.
Il y a si peu de temps, il n'y en aura jamais assez.
Il n'y aura jamais assez de vivants pour répondre aux morts.
: Quand tu écouteras cette chanson, Lola Lafon
Les Ménines de Velazquez
ou l'éblouissante fascination que provoque
un tel chef-d'œuvre
: Nous nous regardons regardés par le peintre, et rendus visibles
à ses yeux par la même lumière qui nous le fait voir.
Et au moment où nous allons nous saisir transcrits par sa main
comme dans un miroir nous ne pourrons surprendre de celui-ci
que l’envers morne. L’autre côté d’une psyché.
Or, exactement en face des spectateurs - de nous-mêmes - ,
sur le mur qui constitue le fond de la pièce,
l'auteur a représenté une série de tableaux;
et voilà que parmi toutes ces toiles suspendues,
l'une d'entre elles brille d'un éclat singulier.
Son cadre est plus large, plus sombre que celui des autres ;
cependant une fine ligne blanche le double vers l’intérieur,
diffusant sur toute sa surface un jour malaisé à assigner;
car il ne vient de nulle part, sinon d’un espace qui lui serait intérieur.
Dans ce jour étrange apparaissent deux silhouettes et au-dessus d’elles,
un peu vers l’arrière, un lourd rideau de pourpre.
(...)
Quel est ce spectacle, qui sont ces visages qui se reflètent
d’abord au fond des prunelles de l’infante, puis des courtisans
et du peintre, et finalement dans la clarté lointaine du miroir ? : : :
: : : Michel Foucault
" Les mots et les choses "
:
Au bout de trente pas, une troisième troupe
Trouve encore à gloser. L'un dit : Ces gens sont fous !
Le Baudet n'en peut plus, il mourra sous leurs coups.
Hé quoi, charger ainsi cette pauvre Bourrique !
N'ont-ils point de pitié de leur vieux domestique ?
Sans doute qu'à la foire ils vont vendre sa peau.
: Le meunier son fils et l'âne - La Fontaine
Claire et Alice - 2021
Anne - 2022
Pour se souvenir de la cuisine des Crouteaux telle qu'elle était en 2007
Hermione et Alice - La cuisine du moulin du Guidon - 2022
D'une cuisine l'autre.
Claudine - dans notre préfabriqué de Jouy-en-Josas.
Le bonheur de ces années 80, malgré le froid
de l'hiver dans une " passoire thermique "
et un poèle à mazout
toujours encrassé par un tirage faiblard.
Bref, ça caillait, mais c'était chouette.
Ah, La nostalgie quoi !
. . .
Il faut, parmi le monde, une vertu traitable ;
À force de sagesse, on peut être blâmable ;
La parfaite raison fuit toute extrémité,
Et veut que l’on soit sage avec sobriété.
Cette grande raideur des vertus des vieux âges
Heurte trop notre siècle et les communs usages ;
Elle veut aux mortels trop de perfection :
Il faut fléchir au temps sans obstination ;
Et c’est une folie à nulle autre seconde
De vouloir se mêler de corriger le monde.
: Le Misanthrope : : : Molière
Anne Cheriez - Last summer 3 - Acrylique sur toile, 2017, 120 x 120 cm
Mosaïque tunisienne du 3e siècle av-JC
: : : Comme ce site, tout se dématérialise,
alors ce fin gourmet de JF s'est bien promis de rester
matérialiste. On est en 1950. Sacré JF !
Anne - 1977
: : : Il faut rendre les mots à l’espace, au pluriel de l’espace, à sa chair.
Percevoir à nouveau le langage comme une onde, un fluide.
J’ai toujours pensé la linguistique comme une partie de la physique des fluides: : :
: : : Valère Novarina
: : : Le son de la pompe qui grince
est aussi nécessaire que la musique des sphères.
: : : Henry David Thoreau
Productrice et exportatrice de café : la Maison Cheriez à Haïti
Mais qui est ce mystérieux personnage en costume et chapeau blancs ?
Félix Cheriez Père, ou Maurice, ou Félix ou Charles ?
Ce sont les années 10.
Maurice et Charles dans le magasin de Petit-Goâve.
Roger et Maurice, peut-être à l'entrée du magasin.
Le trotskyste que fut ce mécréant de JF, aurait vu ces photos
comme l'image d'un néo-colonialisme parfaitement insupportable.
Il aurait bien promis le goulag à toute la famille Chériez.
Qui sait ?
Il a bien changé ce bougre de JF !
: : Le paradis
Un jour, j’ai demandé à Da de m’expliquer le paradis.
Elle m’a montré sa cafetière.
C’est le café des Palmes que Da préfère,
surtout à cause de son odeur.
L’odeur du café des Palmes.
Da ferme les yeux.
Moi, l’odeur me donne des vertiges.
: L’Odeur du café - Dany Laferrière
Claire et Anne - 5 mai 1985
Héloïse et Hermione - 2023
: : : Ayant appris la vie dans les livres,
je n’ai pu que constater ensuite combien la réalité
était bourrée d’erreurs grossières.
: : : Éric Chevillard
Aix-en-Provence - 1993
LE DESTIN
Déesse, toi qui inscris
En caractères étoilés dans le livre de l'Eternité
Les noms de ceux qui deviennent immortels et divins;
Sur la courbe de ton trône sphérique,
Immortalise Calisto. Qu'une nouvelle constellation
Enrichisse la parure du Firmament.
L'ÉTERNITÉ
Qui l'appelle à ces hautes sphères ?
Par quel mérite accède-t-elle à l'immortalité ?
LE DESTIN
Par ma volonté.
Ce que le destin arrête et décide
Ne requiert pas de raison.
Mes décrets sont secrets,
Même pour les Dieux.
: : : Prologue de "La Calisto"
: : : Cavalli
: À partir de "La Déposition" du Caravage
: Acrylique sur toile - Anne Cheriez
Maintenant, je suis mon cadavre, un mort au fond d'un puits.
J'ai depuis longtemps rendu mon dernier souffle,
mon cœur depuis longtemps s'est arrêté de battre, mais,
en dehors du salaud qui m'a tué, personne ne sait ce qui m'est arrivé.
Lui, cette méprisable ordure, pour bien s'assurer qu'il m'avait achevé,
il a guetté ma respiration, surveillé mes dernières palpitations,
puis il m'a donné un coup de pied dans les côtes,
et ensuite porté jusqu'à un puits, pour me précipiter au-dessus de la margelle.
Ma tête, déjà brisée à coup de pierre, s'est fracassée en tombant dans le puits ;
mon visage et mon front, mes joues se sont écrasés, effacés ;
mes os se sont brisés, ma bouche s'est remplie de sang.
: : : Mon nom est Rouge
: : : Orhan Pamuk
Botticelli, L'Enfer
Cerbère par William Blake - 1824-1827
Le Paradis selon Jerome Bosch
: : :
Nel mezzo del cammin di nostra vita
mi ritrovai per una selva oscura,
ché la diritta via era smarrita.
Ahi quanto a dir qual era è cosa dura
esta selva selvaggia e aspra e forte
che nel pensier rinova la paura!
Tant'è amara che poco è più morte;
ma per trattar del ben ch'i' vi trovai,
dirò de l'altre cose ch'i' v' ho scorte.
::: Dante Alighieri
Encres de Marie Sallantin, L'Enfer
Concert-Lecture chez Sophie de Talhouet
Dessin de Miquel Barceló
Peinture haitienne de Raoul Dupoux (1906 - 1988)
Raoul Dupoux est né en Haïti.
Il est connu pour ses aquarelles et ses dessins à l'encre et au stylo
de scènes de la vie quotidienne en Haïti.
Il a reçu de nombreux éloges pour l'ensemble de son œuvre.
Haïti, 1904. La famille Cheriez au complet :
Roger, Gertrude, Félix, Félix (père), Maurice, Égérie Férrus, Lise, Charles
: : À une antillaise
Princières tes mains sous les chaines,
Aérienne ta grâce légère,
Plus fine, poussière la cambrure de tes reins,
Le soleil qui viole les mornes rouges,
Le soleil qui enivre de sueur chaque heure
Des quinze heures qui te rivent au sol chaque jour,
Mûrit ton cœur riche de sucs
Pour les combats conscients du futur.
Et penché une fois au bord de tes yeux
Ouverts comme des palais ombreux, j'ai vu
Surgir la fierté triomphante des vieux Guelwars.
: : Poèmes perdus - Léopold Sédar Senghor
Charles, Maurice, Lise et Gertrude - 1904
Wilfrid leur chauffeur, Alix et Charles à l'arrière de la Ford - 1903.
Tandem Derny, vélos, moto et 4CV ... et Lucie - années 1950
Avec les Pinasseau en 2 chevaux et 203 - 1958
J'apprenais par cœur ce visage qui allait
s'éteindre, pour toujours.
C'est si total une présence, c'est si radical, l'absence :
entre les deux, nul passage ne semblait possible.
: : : Simone de Beauvoir
: : : Mémoires d'une jeune fille rangée
Mauricette est au volant de la 203 puis de la 403(7)
Alix, Charles et Yves ; cette fois en calèche - 1911
Charles, très fier au volant de sa Chevrolet, Alix et Yves - New-York, 1917
Yves en coureur automobile et en aviateur - 1932
Isabelle Lacroix-Cheriez (épouse de Yves) - 1932
Yves, très fier lui aussi, devant son Essex de la Hudson Motor Car Company (Détroit, 1932)
Puis Yves et sa Terraplane de la Hudson Motor Car Company (Détroit, 1935)
Dès 16 ans, Yves était passionné de mécanique et aimait dessiner des automobiles.
Il a fait une école de mécanique automobile à Détroit aux États-Unis
qu’il avait quittés 5 ans plus tôt. Puis il a fait des petits boulots
et y a fait sa vie.
Visite de Versailles en Cadillac avec Chauffeur - Juillet 1958.
La chance d'avoir un "oncle d'Amérique", ingénieur à la General-Motors (Détroit)
Le petit JF est en admiration devant les chromes : fascination !
En voyant Maman Mauricette, une dame dit : "eh bien celle-là, elle ne doit pas
faire souvent la vaisselle".
eh bien si, papa travaillait à l'usine et maman faisait la cuisine et la vaisselle,
tous les jours, même le dimanche !
10 U 74 - Mauricette et notre 203 Peugeot - Sestrière 1953
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